Dans l’obscurité, il y a la lumière
et dans la lumière, l’obscurité. Je me demandais
si ça ne reprenait pas le principe du Tao, si cette notion n’avait
pas une racine chinoise en quelque sorte ? Voilà, c’est
ça ma question.
Bien sûr, le Zen a été influencé
en Chine par le taoïsme, puis au Japon, par les traditions qui
existaient au Japon. Et là, pour répondre aux questions
des occidentaux, pour répondre aux questions qui se posent à
nous aujourd’hui, le zen va sans doute prendre des aspects occidentaux.
Le Zen n’existe pas, il change, mais bien sûr, le Zen existe.
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C’est une question en lien avec la précédente,
le Tao. J’ai lu des choses sur le taoïsme, des Français
ont travaillé sur le sujet. J’ai plutôt l’impression
que, sans nier le passé, celui-ci est comme une sorte d’écume
de surface, mais que fondamentalement, il y avait de grandes différences
entre le taoïsme et le Zen.
Le principe du Tao, leur principe de base
n’est pas d’être dans une notion d’unité,
qu’on ne retrouve pas ça forcément dans notre notion
de Non-Deux. De même, la notion de Yin - Yang est une notion de
mouvement, très spécifique de la culture chinoise qui
est une notion différente de notre notion de Shiki et Ku, les
phénomènes qui se transforment en Ku et inversement. Dans
le Zen, cette notion de mouvement me semble relever davantage du non-attachement
plutôt que de la notion de mouvement elle-même.
Tout d’abord, je ne suis pas un spécialiste du taoïsme,
comme tu sembles le penser !
On dit toujours dans le zen qu’il faut revenir à ‘
l’ici et maintenant’. C’est comme si ’ on disait
que ‘ l’ici et maintenant’ est quelque chose qui existe
comme un truc fixe, alors qu’ici et maintenant, ça change
toujours. Donc, tu ne peux pas le saisir ; ce qu’on peut voir,
c’est le mouvement.
Je crois que, au-delà de ce que l’on décrit comme
taoïsme ou quelque chose d’autre, ce que l’on voit
partout, c’est qu’il y a mouvement. Un philosophe grec a
dit qu’on ne peut pas se baigner deux fois dans le même
fleuve. Ce que l’on voit, c’est qu’il y a toujours
ce mouvement.
Bien sûr, pour nous, dans le zen, ça veut dire que nous
ne pouvons pas retenir quoi que ce soit, que rien n’est fixe ;
ça, pour nous, c’est aussi la base, une notion fondamentale.
D’un côté, c’est la base de la souffrance,
parce que tout change, mais d’autre part, c’est aussi la
libération parce que tout change. Nous avons des difficultés
à voir ça
Je ne sais pas si ça répond à ta question ? Je
ne suis pas taoïste !
Oui. Pour moi, le taoïsme n’est pas
le fondement du Bouddhisme. Je voudrais élargir la question à
l’implantation du Zen en Occident. On se rend compte que nous
avons des difficultés avec nos mots en Français…
En allemand aussi !
C’est aussi ce qui s’est passé
quand le Bouddhisme est arrivé en Chine : on utilise les mots
d’une autre tradition et nos mots pervertissent le sens.
Je suis complètement d’accord.
La difficulté, c’est de trouver notre
sens à nous.
Non ! Je pense que nous ressentons, percevons absolument,
complètement le sens. Le problème, c’est de l’exprimer.
Si on regarde l’histoire, il s’est écoulé
environ 600- 700 ans entre l’arrivée de Bodhidharma en
Chine et l’apogée du Zen dans ce pays. Maître Deshimaru
est arrivé en Occident, il y a moins de 50 ans. Donc, où
en sommes- nous ici en Occident ?
Nous essayons d’exprimer le sens avec nos mots, dans nos langues
européennes, mais nos mots ne sont pas toujours exacts et ça
va encore durer avant de trouver les mots justes.
Cela rejoint la question de tout à l’heure sur les moyens
habiles. Nous essayons de trouver des moyens habiles pour exprimer de
façon juste. Mais ça peut prendre encore plusieurs centaines
d’années avant d’y arriver vraiment. Mais il y a
quand même une évolution qui va dans la bonne direction.
Voici un exemple. J’ai commencé à traduire Roland
Rech, il y a plus de 25 ans et j’ai l’impression, comme
d’autres traducteurs l’ont aussi, que la manière
de traduire exprime maintenant beaucoup plus notre expérience,
se rapproche de notre pratique. Toi aussi, tu peux voir que ta pratique,
tes expériences se sont affermies par rapport à ta pratique
de débutant, qu’avec l’expérience, tu ne vois
plus de la même façon. Donc, nous pouvons être optimistes!